Experts aux côtés des CSE

Prime pouvoir d’achat : consultation du CSE et négociation collective

Le Conseil d’État a été saisi le 24 juin 2022 d’un projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. Son avis a été rendu public le 8 juillet 2022.

La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) vulgairement appelée prime Macron serait désormais rebaptisée « prime de partage de la valeur ».

Le Conseil d’Etat préconise la consultation préalable du CSE à la place d’une simple information lorsque l’employeur décide unilatéralement de mettre en place cette prime.

De plus, le Conseil d’État regrette qu’il soit possible de créer la prime pouvoir d’achat par voie de décision unilatérale un cadre permanent de distribution de la prime, sans qu’ait d’abord été tentée la voie négociée.

En troisième lieu, le Conseil d’État rappelle que le Préambule de la Constitution de 1946 dispose en son huitième alinéa que : « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ». Il souligne que le projet de loi prévoit que, si la fixation du montant de la prime et ses modalités de répartition entre les bénéficiaires peuvent être déterminés par un accord d’entreprise ou de groupe, assurant par suite la participation des travailleurs, par l’intermédiaire de leurs délégués, à la gestion de la politique salariale de l’entreprise, ces mêmes paramètres peuvent également être fixés par décision unilatérale de l’employeur.

Il considère que cette faculté laissée à l’employeur ne peut être regardée comme méconnaissant par elle-même le principe de participation. Il note toutefois que, lorsqu’il existe un comité social et économique (CSE), l’employeur qui fait le choix d’instaurer la prime par décision unilatérale n’est pas tenu de le « consulter » préalablement sur les modalités retenues, mais peut se borner à l’« informer », juste avant le versement de la prime. Le Conseil d’État estime qu’au regard du principe rappelé ci-dessus et pour un dispositif qui peut s’installer dans la durée et se révéler structurant dans la politique salariale de l’entreprise, il serait préférable de prévoir la consultation préalable du CSE plutôt que sa seule information.
Le Conseil d’État appelle, d’autre part, l’attention du Gouvernement sur l’absence de lien opéré par ce texte d’effet permanent avec les dispositions d’ordre public relatives à l’obligation de négociation sur « la rémunération, notamment les salaires effectifs » qui figurent, pour les entreprises qu’il vise, à l’article L. 2242-1 du Code du travail, ainsi qu’avec les dispositions de l’article L. 2242-4 du même code qui fait obstacle, sauf urgence, à la faculté de prendre dans ces matières des décisions unilatérales lorsque des négociations sont en cours. Il considère plus généralement que les modalités d’instauration d’une telle prime mériteraient d’être mieux articulées avec les dispositions relatives à la négociation obligatoire en entreprise. À cet égard, il regrette que, dans les entreprises au sein desquelles ont été reconnues des organisations syndicales représentatives et ont été élus des délégués syndicaux, compétents pour négocier en matière de « rémunération et (…) de partage de la valeur ajoutée » (article L. 2242-15 du code du travail), il soit possible de créer par voie de décision unilatérale un cadre permanent de distribution de la prime, sans qu’ait d’abord été tentée la voie négociée.

Extrait de l’avis délibéré et adopté par le Conseil d’Etat dans ses séances du jeudi 30 juin et lundi 4 juillet 2022.